"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici une partie du diaporama proposé par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur l'histoire de la capacité des maisons modernes puis contemporaines de faire face au réchauffement climatique, par la fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », depuis 1900 jusqu'à 2020 :

En théâtralisant les tensions entre la forme et la fonction, entre l'intérieur et l'extérieur, la fluidité spatiale est un outil majeur du sens (= sémantique) de l'architecture.

En plus, les architectes peuvent apporter des réponses novatrices aux enjeux climatiques qui vont marquer les décennies à venir. Avec des températures de plus en plus élevées et un climat globalement plus continental, comment assurer le confort tout en diminuant le coût énergétique d'exploitation des espaces de la vie des humains toujours plus nombreux ?
Par exemple en privilégiant un espace intermédiaire entre les espaces intérieurs et extérieurs : « entre dedans et dehors ». L'art de construire ne serait pas seulement des volumes fermés (le « plein ») mais résiderait aussi dans la manière de ne pas fermer l’espace : les loggia, terrasses, patios, auvents et galeries couvertes... bien souvent pour mieux jouer avec l'eau et bénéficier de la fraîcheur qu'elle apporte.

Plutôt que des barrières étanches, les parois deviennent des filtres qu'il faut accumuler, et entre lesquels nous habitons, et vivons mieux. Aujourd'hui les techniques et les matériaux ont évolué d'une manière telle que ces beautés prouvent leur efficacité lorsqu'elles sont restaurées après leur inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO pour beaucoup d'entre-elles, dont cette Villa Tugendhat en 2001.
À différents niveaux leurs beautés sont réelles !

La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec La villa Tugendhat à Brno (Cz) par Mies van der Rohe en 1930 :

La Tchécoslovaquie n'a pas le climat chaud et aride de la Californie mais plutôt continental tempéré et venté, marqué par des hivers froids et des étés lourds. À Prague, l'amplitude thermique est de 65°C : de -27 à + 38° ! (58°C à Nîmes, 48°C à Ahmedabad et 47°C à Los Angeles). La moyenne des températures hautes ne dépasse 25°C que pendant juillet et août, alors que la moyenne des températures basse descend sous 5°C pendant cinq mois de novembre à mars avec trois mois sous zéro.
La maison a été commandée par Fritz et Greta Tugendhat en 1928-29 à Ludwig Mies Van Der Rohe et son associée Lili Reich qui venaient de réaliser le Pavillon de l'Allemange à l'Exposition Universelle de Barcelone en 1929. La parenté entre ces deux réalisations icôniques est réelle, tant sur le plan de la structure porteuse par poteaux-dalle que l'adoption du plan libre et de la façade rideaux, trois éléments promus par Le Corbusier et expérimentés par eux-trois au Weissenhof de Stuttgart en 1928.
Les Tugendhat ont dû fuir la menace nazie pesant sur la Tchécoslovaquie matérialisée par les "Accords de Munich" de septembre 1939 ; la maison fut occupée et pillée par la Gestapo dès 1939 puis par Messerschmidt pour les avions de la Wehrmacht à partir de 1942 puis par les Russes qui en firent une écurie pour leurs chevaux à compter de la libération d'avril 1945, avant que le gouvernement communiste n'y installe un centre de rééducation pour enfants en 1955.
À l'issue d'une visite de Greta Tugendhat en 1967, le (lent) processus de restauration commença... en parallèle avec la reconstruction du Pavillon de l'Allemagne de Barcelone entre 1983 et 1986 avec les matériaux issus du démontage de la construction originale. L'inscription de ce bâtiment sur la liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 2001 a certainement contribué à recueillir les fonds pour une restauration complète de haute qualité achevée en 2012 :

Sur un terrain descendant, l'accès à la maison se fait par le rez-de-chaussée qui est l'étage le plus haut. A côté de l'entrée qui invite à descendre au niveau de réception en-dessous, le rez-de-chaussée comporte la partie nuit des chambres avec terrasse et vue sur le jardin au Sud-Ouest :

Sous le rez-de-chaussée, le bel-étage est enterré côté rue et totalement ouvert côté jardin au Sud-Ouest, une assymétrie des espaces intérieurs rencontrée chez Schindler en 1922 à Los Angeles par exemple et que la section transversale du bâtiment montre fort bien :

Le plan est donc libéré de la contrainte des murs porteurs, puisque la dalle est portée par les poteaux cruxiformes à parement inox semblabes à ceux employés à Barcelone. La stabilité mécanique est assurée par le mur du fond et ceux de la cuisine au Nord, associée au logement du personnel. Les invités descendent depuis l'entrée, sont accueillis dans un grand hall (avec piano) qui distribue de gauche à droite les commodités, un salon-bibliothèque à l'Est, un bureau ou salon de travail devant le jardin d'hiver au Sud-Est, au Sud un salon avec fauteuils (derrière un paravent constitué de trois plaques d'onyx du Maroc), et la salle à manger pour huit convives installée dans une abside de bois rare du Brésil, abside ouverte au Sud-Ouest sur le soleil couchant :

À l'intérieur au rez-de-chaussée, la porte d'entrée derrière le cylindre de verre dépoli et l'escalier vers le bel-étage :

Dans ce bureau ou plutôt salon de travail, on peut dire que "la fenêtre a totalement disparu" puisque les menuiseries métalliques sont aussi fines que possible. Mies et Lili Reich sont parmi les acteurs les plus remarquables de la modernité, avec ce jardin d'hiver au Sud-Est derrière le bureau :

L'abside de la salle à manger est plaquée de bois exotique du Brésil :

La bibliothèque a elle aussi bénéficié d'un traitement de premier choix (qui a servi a chauffer la soldatesque) :

Transparence du séjour vers la terrasse :

Les détails de construction :

Le rez-de-chaussée étage des chambres :

La construction de cette Maison Tugendhat n'est ni intérieure --elle est plus largement ouverte sur son environnement que ne le sera la Maison sur la Cascade de Wright en 1939-- ni extérieure --elle offre un réel abri notamment aux éléments météorologiques et climatiques, ce qui ne sera plus le cas de la Maison Farnsworth construite en 1951 par Mies.
« Ni dedans ni dehors », voilà un nouveau « credo » apporté par les architectes modernes !

RETOUR VERS LE HAUT DE PAGE
D'autres informations ? poursuivez en visitant :