Voici une partie du diaporama proposé par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur l'histoire de
la fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec
l'architecture moderne depuis 1900 jusqu'à 1980 :
En théâtralisant les tensions entre la forme et la fonction, entre l'intérieur et l'extérieur,
la fluidité spatiale est un outil majeur du sens (= sémantique) de l'architecture.
En plus, les architectes peuvent apporter des réponses novatrices aux enjeux climatiques qui vont
marquer les décennies à venir. Avec des températures de plus en plus élevées et un climat
globalement plus continental, comment assurer le confort tout en diminuant le coût énergétique
d'exploitation des espaces de la vie des humains toujours plus nombreux ?
Par exemple en privilégiant un espace intermédiaire entre les espaces intérieurs et
extérieurs : « entre dedans et dehors ». L'art de construire ne serait pas seulement des
volumes fermés (le « plein ») mais résiderait aussi dans la manière de
ne pas fermer l’espace : les loggia, terrasses, patios, auvents et galeries couvertes...
bien souvent pour mieux jouer avec l'eau et bénéficier de la fraîcheur qu'elle apporte :
Plutôt que des barrières étanches, les parois deviennent des filtres qu'il faut accumuler,
et entre lesquels nous habitons, et vivons mieux. Aujourd'hui les techniques et les matériaux
ont évolué d'une manière telle que ces beautés prouvent leur efficacité lorsqu'elles sont
restaurées après leur inscription au Patrimoine Universel de l'UNESCO pour beaucoup d'entre-elles,
dont Fallingwater en 2019.
À différents niveaux leurs beautés sont réelles !
La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec
la Kaufmann Fallingwater House à Mill Run (Pennsylvanie) par Frank Lloyd Wright (1867-1959) entre 1936 et 1939 :
Les Kaufmann, propriétaires d'une chaine de grands magasins à Pittsburgh, conjugaient deux passions,
l'une pour la vie sociale et l'autre pour la vie au contact de la nature : ils se réfugiaient
volontiers dans une petite « cabine » le temps d'un WE. Mais celle-ci se délabrait...
A la fin de l'été 1934, le fils Edgar Kaufmann Jr. passa quelques semaines en apprentissage à Taliesin,
l'Ecole Communautaire d'Architecture de Wright, ce qui amena Liliane et Edgar Kaufmann Sr. à
rencontrer Wright et lui commander un nouveau lieu de rencontre avec la nature et d'accueil de
leurs amis, sur un terrain traversé par une rivière (la Bear Run) formant une cascade :
La nouvelle « retraite de week-ends » fut donc commandée à Wright ; elle devait comporter 4 chambres
et de quoi accueillir les amis. Le parti architectural choisi par Wright fut de compléter l'image de
la cascade, que Liliane et Edgar Kaufmann appréciaient pour leurs piques-niques, par celle de la
maison construite au-dessus, et qui constitue depuis 1939 l'image iconique de l'architecture nord-américaine.
La composition esthétique exploite la répétition des bandeaux horizontaux des allèges des dalles
en surplomb, pour jouer visuellement avec les bancs de pierre sous lesquels la rivière a creusé
des « abris sous roche ». La Maison à la Cascade est composée sur cette image de l'abri primitif,
immergé dans la nature, offrant un « retour aux sources » en rupture avc la chaleur étouffante et
le bruit de Pittsburgh où les Kaufmann travaillaient en semaine.
Privilégiant les matériaux d'extraction locale, la construction démarra en 1936 et généra bien
des difficultés avec la réalisation des dalles en porte-à-faux de béton armé dont la maîtrise
était alors loin d'être acquise... Cette réalisation fut néanmoins honorée en 2019 par son inscription sur la
Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO comme dix autres constructions de Wright aux USA.
Voilà comment la maison change avec les heures et les saisons :
La vue aerienne d'une maquette et les plans et sections font mieux comprendre la structure pyramidale
des porte-à-faux ("cantilever" en anglais) ancrés dans la falaise en arrière et qui autorisent l'absence
de supports en façade sud :
La relation de proximité avec la nature est forte.
Par ses dalles horizontales en surplomb les unes au-dessus des autres et dominant la cascade de
la rivière, Fallingwater semble un tour de force de l'architecture organique de Wright.
Sa passion pour l'architecture japonaise transparait dans la conception des espaces de Fallingwater,
en particulier dans l'interpénétration des espaces extérieurs et intérieurs et l'accent mis sur
l'harmonie entre l'homme et la nature. Là ce n'est plus un tour de force, mais une délicatesse :
bien que placée au-dessus de la cascade, la maison baigne dans son environnement beaucoup
plus qu'elle ne le domine.
D'une part la composition répète les formes naturelles des bancs de rocher, d'autre part la limite entre l'intérieur
et l'extérieur est très discrète : voilà la fluidité des espaces ; voilà la belle architecture bioclimatique :
Entre les dalles, les menuiseries sont en retrait et peu visibles de l'extérieur. De l'intérieur,
elles sont peu en comparaison du sol irrégulièrement dallé de pierres locales et
des plafonds très présents.
« Wright a compris que les gens étaient des créatures de la nature ; donc une architecture qui
se conformait à la nature se conformerait à ce qui était fondamental chez les gens.
Par exemple, bien que toute Falling Water [House] soit ouverte par de larges bandes de fenêtres,
les gens à l'intérieur sont abrités comme dans une grotte profonde, sécurisés par la colline
derrière eux. » Edgar Kaufmann Jr.
Dans le détail, les pièces à vivre sont dallées de pierre naturelle du site, traitée par de la cire,
alors que les salles-de-bain reçoivent un sol de liège au contact très confortable. Encore un moyen
de se sentir proche de la nature :
Le chantier de construction ne fut pas un long fleuve tranquille :
Voilà dans quoi un architecte de 68 ans peut encore se lancer... pour être relevé au sein du
Patrimoine Mondial de l'UNESCO quatre-vingts ans plus tard.
Le vrai moyen que Frank Lloyd Wright met en oeuvre est la magnifique organisation des tensions entre
les espaces intérieurs très horizontaux, pris en sandwich entre des dalles monumentales, et
l'environnement extérieur naturel, intime relation sans barrière, justement !
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A la fin de l'été 1934, le fils Edgar Kaufmann Jr. passa quelques semaines en apprentissage à Taliesin, l'Ecole Communautaire d'Architecture de Wright, ce qui amena Liliane et Edgar Kaufmann Sr. à rencontrer Wright et lui commander un nouveau lieu de rencontre avec la nature et d'accueil de leurs amis, sur un terrain traversé par une rivière (la Bear Run) formant une cascade :
La composition esthétique exploite la répétition des bandeaux horizontaux des allèges des dalles en surplomb, pour jouer visuellement avec les bancs de pierre sous lesquels la rivière a creusé des « abris sous roche ». La Maison à la Cascade est composée sur cette image de l'abri primitif, immergé dans la nature, offrant un « retour aux sources » en rupture avc la chaleur étouffante et le bruit de Pittsburgh où les Kaufmann travaillaient en semaine.
Privilégiant les matériaux d'extraction locale, la construction démarra en 1936 et généra bien des difficultés avec la réalisation des dalles en porte-à-faux de béton armé dont la maîtrise était alors loin d'être acquise... Cette réalisation fut néanmoins honorée en 2019 par son inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO comme dix autres constructions de Wright aux USA.
Voilà comment la maison change avec les heures et les saisons :
Par ses dalles horizontales en surplomb les unes au-dessus des autres et dominant la cascade de la rivière, Fallingwater semble un tour de force de l'architecture organique de Wright. Sa passion pour l'architecture japonaise transparait dans la conception des espaces de Fallingwater, en particulier dans l'interpénétration des espaces extérieurs et intérieurs et l'accent mis sur l'harmonie entre l'homme et la nature. Là ce n'est plus un tour de force, mais une délicatesse : bien que placée au-dessus de la cascade, la maison baigne dans son environnement beaucoup plus qu'elle ne le domine.
D'une part la composition répète les formes naturelles des bancs de rocher, d'autre part la limite entre l'intérieur et l'extérieur est très discrète : voilà la fluidité des espaces ; voilà la belle architecture bioclimatique :
Dans le détail, les pièces à vivre sont dallées de pierre naturelle du site, traitée par de la cire, alors que les salles-de-bain reçoivent un sol de liège au contact très confortable. Encore un moyen de se sentir proche de la nature :
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complété et mis à jour le 10 juin 2023
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