"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici une partie du diaporama proposé par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur l'histoire de la fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec l'architecture contemporaine depuis 1980 jusqu'à nos jours :

En théâtralisant les tensions entre la forme et la fonction, entre l'intérieur et l'extérieur, la fluidité spatiale est un outil majeur du sens (= sémantique) de l'architecture comme de son adaptation bioclimatique.


En effet, les architectes peuvent apporter des réponses novatrices aux enjeux climatiques qui vont marquer les décennies à venir. Avec des températures de plus en plus élevées et un climat globalement plus continental, comment assurer le confort tout en diminuant le coût énergétique d'exploitation des espaces de la vie des humains toujours plus nombreux ?
Par exemple en privilégiant un espace intermédiaire entre les espaces intérieurs et extérieurs : « entre dedans et dehors ». L'art de construire ne serait pas seulement des volumes fermés (le « plein ») mais résiderait aussi dans la manière de ne pas fermer l’espace : les loggia, terrasses, patios, auvents et galeries couvertes... bien souvent pour mieux jouer avec l'eau et bénéficier de la fraîcheur qu'elle apporte.


Plutôt que des barrières étanches, les parois deviennent des filtres qu'il faut accumuler, et entre lesquels nous habitons, et vivons mieux. Aujourd'hui les techniques et les matériaux ont évolué d'une manière telle que ces beautés prouvent leur efficacité lorsqu'elles sont pratiquées. Mais ici il s'agit de simplicité et d'ingéniosité...
À différents niveaux la beauté du lieu est réelle !
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La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec les maisons d'habitation de l'Opéra Village à Laongo (Burkina Faso) par Francis Diebédo Kéré en 2013 puis
une hutte 3m x 3m en terre banchée au Ghana par Wayne & Karolina Switzer en 2013 :

L'essentiel de la magnifique iconographie de cette page est due aux photographies et plans mis en ligne sur les pages de Designboom et d'ArchDaily aux adresses suivantes :
https://www.designboom.com/architecture/diebedo-francis-kere-opera-village-transforms-burkina-faso/ ,
https://www.designboom.com/architecture/diebedo-francis-kere-public-library-in-gando/ ou
https://www.archdaily.com/262012/in-progress-school-library-gando-kere-architecture et
https://www.archdaily.com/289081/how-to-re-invent-the-african-mud-hut .
Il est exceptionnel de pouvoir consulter une documentation aussi belle et complète sur ce genre d'édifices aussi ingénieusement réalisé ; cette engagement-là valorise également la démarche des architectes.

Entre 5° et 13°N de latitude, les climats tropicaux du Ghana sur le Golfe de Guinée et de Ouagadougou au Burkina Faso à sa frontière nord résistent assez bien à la comparaison avec ce que nous connaissons en Europe. Dans la zone centrale qui accueille les réalisations de Kéré au Sud-Burkina et de Switzer au Ghana, l'amplitude des records va de +5°C à + 47°C, soit 42°C. La moyenne des températures hautes s'établit autour de 30°C / 35°C pour l'année ; la moyenne mensuelle ne descend au Ghana sous 27°C qu'à la faveur de la saison des pluies en été, mais reste au-dessus de 31° à Ouagadougou. La moyenne des température basses suit le même schéma au Ghana : moyenne annuelle autour de 25°C, sous 23°C pendant les mois pluvieux d'été. Mais Ouagadougou plus au Nord bénéficie d'un hiver plus frais, avec des moyennes basses mensuelles sous 17°C en décembre et en janvier.
La pluviométrie annuelle dépasse 1m au Ghana et 75cm à Ouagadougou ; elle compense avec cette mousson d'été la sécheresse de l'Harmattan, un vent saharien très sec :

Lauréat du Aga Khan Award for Architecture en 2004, Francis Diebedo Kéré a été sollicité en 2008 par Christoph Schlingensief, un artiste berlinois, pour réaliser un centre pédagogique autour des arts du spectacle : "Village-Opéra Afrique". Outre les salles de cours, de répétition et de spectacle, l'ensemble compte des logements pour les nombreux élèves et pour les enseignants aussi. Kéré a poursuivi ses travaux sur l'adaptation contemporaine des dispositions constructives traditionnelles en Afrique de l'Ouest et qui avaient été célébrées dès 2004 pour son école primaire à Gando (B-F), ci-dessous complétées par la bibliothèque :

Kéré développe les parois à double-peau dont les architectes bioclimaticiens ont commencé à s'emparer en Europe, mais en Afrique équatoriale il est nécessaire de traiter la toiture de la même manière. La toiture de tôle ondulée assure la protection à la pluie lorsqu'elle tombe et au soleil lorsqu'il brûle tout. Le fort débord permet de circuler à l'abri à l'extérieur ; il assure aussi une partie de la protection solaire des façades et de leurs ouvertures :

La protection solaire des murs n'apparaît pas réalisée sur les photographies disponibles : de simples branches verticales diminuent considérablement l'intrant solaire tout en laissant passer l'air indispensable à la ventilation des espaces et surtout l'évacuation de l'air chaud sous la toiture de tôle. Celle-ci est disposée en pente pour recueillir la pluie d'un ôté et évacuer naturellement par thermosiphon l'air chaud de l'autre côté. Une partie dec ces plaques ondulées est translucide en relation avec les trous ménagés dans la dalle de couverture de la salle intérieure de la bibliothèque. La dalle de toiture est en effet aménagée de poteries traditionnelles locales (sectionnées à la scie diamantée) pour former des tubes à lumière qui sont coulés dans le béton de la dalle. L'air chaud intérieur est naturellement évacué par les orifices qui apportent également la lumière naturelle :

La construction est efficacement planifiée pour être réalisée par les autochtones : tout peut se faire à la main, ce qui génère la fierté locale et l'appropriation affective d'un si bel espace :

Kéré poursuit le développement de ces parois à double-peau pour les différents bâtiments, salles de classe et logements, du Village-Opéra de Laongo-Ouagadougou en 2013 :

Les toitures décollées des murs assurent la ventilation des pièces intérieure. Kéré expérimente aussi une version à deux étages, avec une terrasse en hauteur elle-aussi abritée sous les plaques ondulées. Les espaces en rez-de-chaussée sont ventilés par une tour-à-vent qui aspire l'air chaud car le sommet de la souche dépasse largement des autres toitures et peut ainsi surchauffer au soleil, ce qui constitue un moteur thermique gratuit et d'autant plus performant qu'il fait chaud :

Les habitations sont simples mais leur construction efficacement rationalisée pour être réalisée sans moyens lourds : tout peut se faire à la main par les autochtones, ce qui génère l'appropriation affective résultant de la fierté locale. Les ruptures d'angles, ou variations de pente des toitures, créent un effet venturi qui dynamise la ventilation traversante sous ces toitures, puisque le haut est toujours plus chaud que le bas :

La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec une hutte 3m x 3m en terre banchée au Ghana par Wayne & Karolina Switzer en 2013 :

Ces jeunes architectes autrichiens travaillant aux USA ont participé à un concours organisé par la Nka Foundation consistant à réaliser dans le village d'arts d'Abetenim (région d'Ashanti au centre du Ghana) une hutte en terre de 10x10 pieds, soit 3x3m sous un toit en tôle. La réalisation a été faite avec la main d'oeuvre locale et les matériaux locaux ; le coût total a été de l'ordre de 3.500 USD :

La pièce "fermée" est complétée d'une superficie équivalente offrant une terrasse ou un préau couvert, traversant et non pas adossé à un mur. Un espace aéré et abrité de la pluie comme du soleil équatoriaux :

La construction des murs en terre banchée (= rammed earth en anglais) a mobilisé la main d'oeuvre locale en valorisant cette technique traditionnelle. Un ajout de 5 à 6% de ciment assure la résistance à l'érosion et dispense d'enduire les murs :

Francis Kéré et Karolina + Wayne Switzer, parmi d'autres, ont composé une offre renouvelée avec intelligence des procédés traditionnels moins voraces que le béton. Ce mouvement est également porté au Ghana par de fortes personnalités telles Joelle Eyeson avec sa société Hive Earth :
https://www.hiveearth.com/
qui produit un travail remarquable en direction d'une architecture durable et sociale.
Offrir la beauté est le meilleur message d'espoir !

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