"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici le diaporama projeté par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur les architectures des institutions démocratiques des républiques italiennes antérieures à la Réunification de 1860/1861 :
à Venise, le célébrissime Palais des Doges :
à Padoue (Vénitie aussi), le Palazzo Ragione et son extraordinaire Salle du Conseil :

Aux premières heures de la Renaissance, le territoire de l'Italie est divisé en une quinzaine d'états. A côté des Etats Pontificaux, certains sont des royaumes, d'autres des républiques avant l'heure. Les bourgeois des villes marchandes que le commerce maritime a enrichis mais surtout les familles patriciennes de la noblesse locale y ont conquis le pouvoir depuis parfois des siècles, et il leur faut des lieux de débats pour décider des affaires publiques, et s'y entre-déchirer aussi... :

La République de Venise "la Sérénissime" semble la plus ancienne, remontant à la charnière VIIe-VIIIe siècles par l'élection à partir de 697 des premiers doges, les ducs entre les mains desquels la communauté des familles nobles remettait le pouvoir de conduire les affaires publiques (élus à vie à partir de 1339). Il ne s'agit certainement pas d'une démocratie au sens universel où nous l'entendons aujourd'hui mais d'un système représentatif d'un "entre-soi" masculin et patricien dont on pouvait être exclu par le simple mariage avec une roturière.


Un système semblable de république marchande oligarchique règle la République de Gênes "la Superbe" à partir du milieu du XIe siècle jusqu'en 1797 et connaît par exemple la fondation de la plus ancienne banque de dépôt au monde, l'Office de Saint-Georges en 1407. Le Podestat (= bailli, premier magistrat de la ville) fut élu par le peuple à partir de 1191 jusqu'en 1256, suivi par un Capitano del Popolo jusqu'en 1339. Les Doges (= ducs) ont pris la suite jusqu'à la conquête napoléonienne de 1797 :


La République de Florence émerge à partir de 1115 (mort de la duchesse Mathilde de Toscane) pour passer en 1282 sous le contrôle des seigneurs de Florence qui érigent à partir de 1299 jusqu'en 1314 leur Palazzo Vecchio (= palais "vieux") siège de leur pouvoir :

Les seigneurs sont en constante opposition avec les bourgeois de la ville jusqu'à la prise du pouvoir par les Médicis entre 1434 et 1494. Le frère dominicain Savonarole institua momentanément une "république" théocratique (de fait une dictature) jusqu'à son assassinat en 1498, puis les bourgeois ne purent empêcher le retour des Médicis en 1512 et l'érection du duché de Florence en 1532 puis de Toscane en 1569 :


La République de Sienne s'érige à partir de 1115 en concurrente de celle de Florence :

Après 1125 les consuls élus représentaient la noblesse et le peuple face au pouvoir épiscopal, mais après que celui-ci soit expulsé en 1167 un podestat (= bailli, premier magistrat de la ville) fut élu par le peuple à partir de 1199. En 1234 est mis en place un conseil d'élus dont le nombre varie de 9 à 36 suivant les périodes jusqu'en 1399. Au premier étage du Palazzo Pubblico, la Salle des Neuf accueillit entre 1287 et 1355 le conseil de 9 citoyens « gouverneurs et défenseurs de la commune et du peuple » :

En 1399, le gouvernement de la ville est confié aux Visconti dans l'espoir de mieux lutter contre Florence. A partir de 1404 jusqu'en 1487, Sienne est gouvernée par un conseil de 10 priori élus par le peuple :

A la charnière des XVe et XVIe siècles l'alternance de périodes consulaires et seigneuriales va profiter à Florence qui intègre Sienne dans son Duché en 1559.

Parmi les nombreuses autres cités-états italiennes qui furent des républiques maritimes grâce à leurs activités commerciales, retenons :
- La République maritime de Gaëte (Napolitaine) élit son premier Doge en 839 mais les derniers doges normands durent se soumettre au Royaume de Sicile en 1140.
- La République maritime d'Amalfi (Napolitaine) élit son premier Doge en 958 mais vaincue par Pise en 1137 elle est alors intégrée au Royaume de Sicile.
- La République maritime de Pise (Toscane) élit son premier Doge en 1063 mais après que la ville eut été vendue aux Visconti en 1399 elle est alors intégrée en 1406 à la République de Florence.

VENISE le Palais des Doges et la Salle Neuve du Grand Conseil furent reconstruits entre 1340 et 1366 pour abriter les institutions législtatives, exécutives et judiciaires de la ville et de la République vénitienne.
Le premier Doge, Paolo Lucio Anafesto, a été élu en 697 en indépendance progressivement acquise de l'Empire byzantin. Le premier palais fut détruit par un incendie en 967 en même temps que la première basilique St-Marc attenante. En 1054, Venise se sépare de Byzance en choisissant l'obédience de Rome et devient une ville-état comme Amalfi, Gênes et Pise. La richesse et la puissance de Venise procèdent de son activité marchande maritime, au centre des échanges commerciaux entre l'Occident et l'Orient méditerranéen chrétien ou musulman.
En résultat de la première campagne d'Italie du général Bonaparte, la République de Venise, millénaire, fut démembrée en 1797 par le traité de Campo-Formio au bénéfice de l'Empire d'Autriche.


Commencé par les architectes Pietro Baseggio en 1340 puis Filippo Calendario, le Palais des Doges eut à subir de nombreuses reconstruction (1400->1410) et incendies dont celui de 1577 : l'aspect actuel du palais mêlant architectures gothique et renaissance doit beaucoup à l'architecte restaurateur Antonio da Ponte (1512-1597) à qui l'on doit également la reconstruction en pierre du pont du Rialto (une seule arche de 27 mètres en remplacement du pont de bois antérieur). Cette architecture vénitienne est instantanément identifiable :

Comme ses homologues Florence dont la République fut fondée en 1115 ou Gênes fondée au début du XIe siècle, la République de Venise est un régime oligarchique où les représentants des grandes familles patriciennes élisent le Doge (= le Duc) qui conduisait la vie politique de la cité sa vie durant. Un système complexe parvenait à limiter le nombre de familles patriciennes à 42 d'une part, et à contenir toute dérive monarchique de la part du Doge :

PADOUE (Vénétie) le Palazzo della Ragione (= Palais de la Raison) construit en 1218, complété par un rehaussement et sa charpente par Giovanni degli Eremitani de 1306 à 1309.
Cet immense bâtiment était le siège administratif de la ville de Padoue et accueillait ses tribunaux ; il conjugue différentes activités de la ville et associe la politique à l'économie par exemple via la galerie marchande ou plutôt même le marché couvert historique de la ville du rez-de-chaussée : les loyers permettent de financer la construction de l'édifice puis son fonctionnement :

La sphère politique occupe l'étage de la construction, notamment avec une salle construite par Giovanni degli Eremitani de 1306 à 1309. Cette salle (= Salone en italien) offre des dimensions tout-à-fait exceptionnelles : 81m x 27m = plus de 2.150m² sous une voûte de bois en forme de carène retournée de bateau, culminant à 27m grâce à son profil en tiers-point et ses tirants de fer. C'est une vraie merveille pour l'époque, qui ne sera pas dépassée même par la charpente du Hall de Westminster à Londres en 1390.
L'Hôtel de Ville et son campanile municipal sont toujours associés à ce "Palais de la Raison" bien nommé.
Cette salle est entourée d'une galerie aux voûtes décorées de fresques :

De nombreuses villes ont connu des systèmes semblables à ceux de Vénétie et leur "Palazzo della Ragione" comme celui de Vincence, la "Basilique palladienne" : Bergame a érigé le sien de 1183 à 1198, Milan a construit son "Broletto nuovo" de 1228 à 1233, celui de Ferrare édifié de 1315 à 1326, Mantoue vers 1250, Monza et son "Arengario" et Romano di Lombardia au XIIIe siècle, etc. .
L'autonomie politique, administrative et juridique des cités italiennes fut réelle :

L'unité italienne n'est réalisée qu'en mars 1861 avec la proclamation du Royaume d'Italie par Victor-Emmanuel II. La République n'est instituée qu'en juin 1946 à l'issue d'un référendum qui a partagé le pays entre le Nord, qui avait connu l'occupation nazie, et le Sud qui y avait échappé...

RETOUR VERS LE HAUT DE PAGE
D'autres informations ? poursuivez en visitant :