"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici le diaporama projeté par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur les architectures des institutions démocratiques des états du Penjab et de l'Haryana en République Indienne après son indépendance en 1947, bâtiments dont la conception et la réalisation ont été confiées à Le Corbusier, Pierre Janneray, Jane Drew et Maxwell Fry à partir de 1950. En juillet 2016, l'UNESCO a enfin intégré L'OEUVRE ARCHITECTURALE DE LE CORBUSIER dans la Liste du Patrimoine Mondial en relevant une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne :

L'architecture de la démocratie et de ses institutions, avec le Complexe du Capitole = le Parlement du Pendjab et la Haute Cour de Justice à Chandigarh par Le Corbusier en 1962.
Note importante : la qualité iconographique de ces notices doit beaucoup aux excellentes photos de Laurian Ghinitoiu :

Le Corbusier a été sollicité par Jawaharlal Nehru, alors Premier ministre de l'Inde, pour planifier l'urbanisme de la ville nouvelle de Chandigarh et réaliser un certain nombre de bâtiments officiels, dont ceux du Congrès du Pendjab et de la Haute Cour de Justice de cette province indienne. Chandigarh est la nouvelle capitale provinciale construite après l'indépendance de l'Inde en 1947, pour remplacer Lahore devenue pakistanaise.
« Que ce soit une nouvelle ville symbolique de la liberté de l'Inde, dégagée de l'entrave des traditions du passé, une expression de la foi de la nation en l'avenir. » (Nehru, 1952)

Le Palais de l'Assemblée du Pendjab offre un plan carré dont la façade sud est marquée par une énorme structure d'auvent en béton dont le profil évoque les cornes d'une vache (nécessairement sacrée en Inde), qui inclinerait la tête. Huit voiles verticaux de béton portent cet auvent ; ils sont percés de trous qui ne sont pas régulièrement disposés. L'ensemble de ce portique annonce une esthétique organique de ce palais officiel, beaucoup plus sculpturale qu'attendue :

La façade ouest, la plus chaudement exposée au excès du soleil, est aménagée d'un très profond claustra en quatrillage de voiles de béton dont les lames sont séparées des vitrages des pièces intérieures. Ceci permet la circulation rafraîchissante de l'air de façade. Ces espaces de bureaux sont ainsi plus facilement climatisables :

De cette composition très horizontale émerge le volume de la salle plénière de l'Assemblée du Pendjab (et de l'Haryana), volume formé par un paraboloïde de révolution tranché de biais pour marquer le Sud. Des structures secondaires sur ce pan coupé évoquent les courses du soleil en différentes hauteurs. L'entrée principale est protégée du soleil et des intempéries par le grand portique mais la gigantesque porte pivotante n'est pas dans l'axe de la composition extérieure. Le Corbusier a signé son design aux couleurs vives (acier émaillé) :

Le plan général du Palais de l'Assemblée législative du Pendjab montre une immense salle des pas perdus ceinturée sur 3 côtés des bureaux et salles de réunions, sur 3 étages. Le tout est recouvert par une haute dalle de toiture dont la peinture noire fait disparaître les détails et met en valeur les hautes colonnes et leurs évasement sommital, ainsi qu'un puits de lumière qui semble un soleil :

La magnifique salle hypostyle est enrichie du jeu des balcons des étages et d'un soleil qui transperce les ténèbres du plafond de la salle, peint de noir. Faut-il y voir une mise en scène de Surya, le dieu solaire indou, qui aurait eu quatre épouses, Samjna=la connaissance, Rajni=la souveraineté, Prabha=la lumière et Chaya=l'ombre ? Ce dieu soleil serait le père de Manu, le premier homme et le législateur de l'humanité. Encore une fois Le Corbusier construit pour les hommes du lieu et leur culture :

La salle plénière est divisée par un axe nord-sud et montre la conception bipartite du fonctionnement démocratique héritée de l'Empire britanique, conservée malgré l'Indépendance de 1947. Majorité et opposition se font face, ce qui accueille mieux le bipartisme, une conception dichotome de la démocratie en obligeant à des alliances soit pour constituer une majorité de gouvernement soit pour faire exister une opposition. Les formes en hémicycle accueillent plus favorablement le multipartisme, mais cette organisation n'est ici qu'une question d'aménagement intérieur de la salle circulaire livrée par Le Corbusier :

Le travail de composition érige la construction en architecture : « L'architecture est le jeu savant, correct et magnifique, des volumes assemblés sous la lumière » pour citer Le Corbusier. La composition plastique, la fluidité des espaces, les jeux d'ombre et de lumière entre l'intérieur et l'extérieur, sont splendides et font honneur aux citoyens de ce pays et à leur culture. La démocratie, cela commence par honorer le peuple !

L'architecture des institutions de la démocratie, avec la Haute Cour de Justice du Pendjab à Chandigarh par Le Corbusier en 1955 :




Chandigarh est la nouvelle capitale provinciale construite après l'indépendance de l'Inde en 1947, pour remplacer Lahore devenue pakistanaise.
« Que ce soit une nouvelle ville symbolique de la liberté de l'Inde, dégagée de l'entrave des traditions du passé, une expression de la foi de la nation en l'avenir. » (Nehru, 1952)

La composition est celle d'un long bâtiment tranversant, bas, sans partie saillante ou pyramidale, sans le sempiternel fronton qui donne corps à l'organisation hiérarchique de la société, au contraire marqué par une forte toiture voûtée qui englobe, recouvre et abrite de haut les volumes accueillant l'institution judiciaire. Il y a quelque-chose au-dessus de la Justice : la Loi édictée par le législateur = l'assemblée représentative des citoyens. La composition générale des différents organes du bâtiment se fait un écho allégorique à cette architecture de la démocratie. L'architecture construite est à la fois grandiose pour installer le rapport de force entre l'intérêt de la société et l'intérêt de l'individu, mais également assez intime pour ne pas écraser l'individu, ici et par exemple avec le découpage à petite échelle des claustras de béton qui fractionnent les façades des espaces intérieurs et les protègent du soleil même en façade nord :

Cette immense toiture qui protège les salles comme les espaces ouverts de la pluie comme du soleil agit comme la toile de l'auvent d'une tente. De même qu'au Parlement tout voisin, son profil évoque la forme des cornes d'une vache, archétype de l'animal sacré en Inde comme dans d'autres civilisations anciennes. Qui plus est, les formes organiques du voûtement général de voiles de béton peuvent aussi se percevoir comme le ventre d'un mamifère, ventre qui couvrirait et abriterait les espaces de l'institution judiciaire qui est précisément le lieu où les faibles peuvent demander justice (à défaut de l'obtenir toujours). Et là se niche un ancrage tout spécial de la composition architecturale de Le Corbusier dans la culture indienne de la « Mère Vache » :

La séquence d'entrée au Nord : à l'ombre, le grand porche d'entrée est marqué par l'échelle colossale des trois piliers colorés qui supportent la toiture voûtée largement au-dessus des espaces intérieurs. L'architecture manifeste deux échelles, celle de l'humain et celle de la société. Ces trois piliers séparent deux grands passages et non pas un seul : cette dualité est celle idéale de la justice équilibrée, et non pas celle dictée par les puissants :

Cet immense porche est une façon de « salle des pas perdus » simplement couverte, abritant du soleil comme de la pluie. Au fond, mais séparées du toit, les obliques d'un système de rampes fait accéder aux différents étages et à la face sud du bâtiment traversant (nombreuses et excellentes photos de Laurian Ghinitoiu) :

Le profil de cette immense toiture évoque la forme des cornes d'une vache, archétype de l'animal sacré en Inde comme dans d'autres civilisations anciennes autour de la Méditerranée :

Cet immense porche traversant n'est pas d'une réalisation technique de haut niveau, mais une réalisation humaine très acrobatique qui a mobilisé un engagement collectif de très nombreuses personnes. Cet engagement a mobilisé l'ingéniosisté et la pugnacité locales bien plus que la technique (éventuellement importé). Ce chantier fut d'une part accessible aux hommes du lieu dans les années 1950-1960, d'autre part d'un coût accessible à la société des hommes du lieu en 1950-1960 et a enfin produit une qualité esthétique remarquable aujourd'hui encore :

Entre la Haute Cour de Justice et l'Assemblée du Pendjab, à proximité de la « Tour des Ombres » Le Corbusier a composé « La Main ouverte », une sculpture monumentale haute de 26 mètres devenue les symbole et logo de la ville de Chandigarh.
Une main ouverte pour donner, une main ouverte pour recevoir. Son design évoque aussi la forme d'un oiseau, et constitue un motif plurisémantique récurent dans la production picturale de Le Corbusier :

Une main ouverte, une main volante qui distribue ses bienfaits à l'Humanité :

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