"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici une partie du diaporama proposé par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur l'histoire de la fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec l'architecture moderne depuis 1900 jusqu'à 1980 :

En théâtralisant les tensions entre la forme et la fonction, entre l'intérieur et l'extérieur, la fluidité spatiale est un outil majeur du sens (= sémantique) de l'architecture.


En plus, les architectes peuvent apporter des réponses novatrices aux enjeux climatiques qui vont marquer les décennies à venir. Avec des températures de plus en plus élevées et un climat globalement plus continental, comment assurer le confort tout en diminuant le coût énergétique d'exploitation des espaces de la vie des humains toujours plus nombreux ?
Par exemple en privilégiant un espace intermédiaire entre les espaces intérieurs et extérieurs : « entre dedans et dehors ». L'art de construire ne serait pas seulement des volumes fermés (le « plein ») mais résiderait aussi dans la manière de ne pas fermer l’espace : les loggia, terrasses, patios, auvents et galeries couvertes... bien souvent pour mieux jouer avec l'eau et bénéficier de la fraîcheur qu'elle apporte.


Plutôt que des barrières étanches, les parois deviennent des filtres qu'il faut accumuler, et entre lesquels nous habitons, et vivons mieux. Aujourd'hui les techniques et les matériaux ont évolué d'une manière telle que ces beautés prouvent leur efficacité lorsqu'elles sont restaurées après leur inscription au Patrimoine Universel de l'UNESCO pour beaucoup d'entre-elles.
À différents niveaux leurs beautés sont réelles !

La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec le siège social de la SC-Johnson-Wax à Racine (Wisconsin) par Wright entre 1936 et 1950 :

« Un lieu qui inspire le travail tout comme les cathédrales inspirent le recueillement » F.L.Wright
Le nouveau siège social de la Johnson Wax a été commandé à Frank Lloyd Wright en 1935 par Hibbard Johnson dans le but d'améliorer simultanément la vie quotidienne des employés et l'image de l'entreprise familiale en augmentant sa rentabilité.
Wright prévient : « Le bâtiment administratif Johnson ne ressemblera pas à ce à quoi vous vous attendez. Mais je peux vous assurer une chose : vous allez l'aimer lorsqu'il sera construit. »
Wright précise : « Le cadre auquel nous avons abouti quand nous avons édifié le bâtiment administratif de la Johnson Wax s'est traduit par un accroissement notable de leur efficacité (25% environ d'après H.Johnson). Si vous leur permettez d'être fiers de ce qui les entoure et heureux d'être où ils sont, si vous leur donnez de la dignité et de la fierté dans leur cadre de travail, cela se révélera du meilleur effet pour la production. Un cadre salubre dont les travailleurs puissent tirer orgueil est rentable. »
Voilà comment accueillir le personnel pour qu'il soit heureux de travailler ici plutôt qu'ailleurs :

Le bâtiment de brique est bas ; il ne présente aucune ouverture sur l'extérieur sauf l'entrée du parking couvert et les vitrages de la haute tour du laboratoire de recherche inaugurée en 1950 :

Le parking comme les autres espaces de travail sont couverts par des structures de béton armé en forme d'arbres = « dendriformes », ou de nénuphars ou de feuilles de lotus, colonnes dont les plus hautes atteignent 6,50m pour une corolle de 5,64m, reposant sur un pédoncule de 0,23m de diamètre seulement. Des essais particulièrement sévères ont été conduits pour attester de la résistance et de la stabilité de ces structures-champignon très novatrices pour l'époque : il a fallu entasser plus de 60 tonnes pour faire plier une structure isolée, soit plus de dix fois la charge requise :

Le parking accueille de manière particulièrement soignée les visiteurs comme les employés : le toit protège des ardeurs du soleil comme de la morsure du froid ; il est traversant donc aéré ; les colonnes-nénuphars qui abritent les circulations piétonnes sortent de basssins :

Le hall d'entrée qui précède le vaste open-space du secrétariat est aménagé de portes à tambours. Les colonnes-champignons sont ici mises en valeur par la réserve qui est pratiquée autour avec la paroi demi-cylindrique de tubes de verre pyrex cintrés, encore relevés par les éclairages haut et bas :

plans et coupes :

La grande salle de travail pour 200 personnes fut l'un des tout-premiers open-space : 2000m² couverts par 60 « pins-parasols » sous lesquels la hiérachie statutaire n'est pas amplifiée par l'affectation de tel ou tel bureau : tous baignent également dans la lumière zénitale qui traverse la « frondaison des arbres ». Ce fut aussi l'un des premiers bâtiments entièrement climatisés, ce qui était rendu possible par les meilleures performances de l'architecture au regard des machineries disponibles à l'époque. « Un cadre salubre dont les travailleurs puissent tirer orgueil est rentable » :

Comme il en est d'usage à l'époque, Frank Lloyd Wright a aussi dessiné le mobilier, une quarantaine de modèles au total :

Les « fenêtres » en tubes de verre pyrex ont été conçues par Wright pour réfracter la lumière et éliminer les reflets tout en améliorant l'isolation thermique. Wright a déposé plusieurs brevets ; les tubes de verre ont été remplacés par du plexiglass encore plus isolant et moins fragile :

Construite entre 1944 et 1950, la tour des laboratoires de recherche est haute de 45m, pour 12m de côté. Elle est construite autour d'un noyau central de béton armé (= le tronc) qui contient les circulations verticales, tronc qui porte les 14 dalles en encorbellement dont 6 rondes en mezzanine. L'ensemble forme la ramure de l'arbre.
Les dalles les plus larges des planchers, de plan carré aux angles arrondis, portent aussi les façades-rideau réalisées en tubes de verre pyrex cintrés pour réfracter la lumière en éliminant les reflets tout en assurant une meilleure isolation thermique entre l'intérieur et l'extérieur.
Cette façon d'arbre a une solide racine qui s'enfonce de 15m dans le sol pour assurer la stabilité, avec une couronne qui répartit la charge au sol.

Avec sa cheminée d'extration centrale, le fonctionnement thermique de la tour a été réfléchi pour limiter le recours à l'extraction motorisée de l'air chaud. Les laboratoire de recherche sont les plus proches des sorties d'air en haut ; les moins sensibles sont proches des entrées d'air, en bas :

Cette vue rapprochée fait constater à quel point le matériau « verre » est utilisé de manière nouvelle. La principale qualité du verre est normalement celle d'être transparent, c'est-à-dire de « laisser paraître au-travers » : on peut voir les objets qui sont derrière une vitre comme si celle-ci n'existait pas parce qu'elle-même est invisible. Wright utilise ici le verre comme une matière, visible et non pas invisible, qu'il compose en bandes horizontales comme les briques des allèges, ou des murs-rideaux de la grande salle de travail de 1939. Seule la lumière du jour, abondante, --mais non le soleil direct-- inonde les paillasses des laboratoire de chimie :

« Un cadre salubre dont les travailleurs puissent tirer orgueil est rentable. » Ont été mis au point dans ces laboratoires-là les produits-phare des marques Raid®, Glade®, Autan® et Pledge® par exemple :

Quelques étapes du chantier de construction, vers 1949 :

Quelques étapes du chantier de restauration, vers 1982 au moment où l'évolution des règles de secours aurait imposé un escalier externe, dont le refus par Johnson-Wax a mis fin à l'usage industriel du bâtiment :

Le secrétariat du bureau directorial :

Passage aérien entre la grande salle de travail et le bureau directorial :

« Un lieu qui inspire le travail tout comme les cathédrales inspirent le recueillement » F.L.Wright

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