"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici une partie du diaporama proposé par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur l'histoire de la fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec l'architecture moderne depuis 1900 jusqu'à 1980 :

En théâtralisant les tensions entre la forme et la fonction, entre l'intérieur et l'extérieur, la fluidité spatiale est un outil majeur du sens (= sémantique) de l'architecture.

En plus, les architectes peuvent apporter des réponses novatrices aux enjeux climatiques qui vont marquer les décennies à venir. Avec des températures de plus en plus élevées et un climat globalement plus continental, comment assurer le confort tout en diminuant le coût énergétique d'exploitation des espaces de la vie des humains toujours plus nombreux ?
Par exemple en privilégiant un espace intermédiaire entre les espaces intérieurs et extérieurs : « entre dedans et dehors ». L'art de construire ne serait pas seulement des volumes fermés (le « plein ») mais résiderait aussi dans la manière de ne pas fermer l’espace : les loggia, terrasses, patios, auvents et galeries couvertes...

Plutôt que des barrières étanches, les parois deviennent des filtres qu'il faut accumuler, et entre lesquels nous habitons, et vivons mieux. Aujourd'hui les techniques et les matériaux ont évolué d'une manière telle que ces beautés prouvent leur efficacité lorsqu'elles sont restaurées après leur inscription au Patrimoine Universel de l'UNESCO pour beaucoup d'entre-elles.
À différents niveaux leurs beautés sont réelles !

La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec le Kimbell Art Museum à Fort Worth (Tx) par Louis I. Kahn (1901-1974) en 1972 :

Louis Kahn a été sollicité en 1966 pour construire un bâtiment « de première classe » capable de présenter au public la collection d'art accumulée entre 1935 et 1964 par un riche industriel texan, Kay Kimbell. Le futur musée devait être « un joyau aussi remarquable que l'un des Rembrandts ou Van Dycks qui y seront logés » ; la commande était accompagnée d'un programme précis, incluant notamment l'exigence de lumière naturelle dont Kahn était l'un des spécialistes déjà reconnu. Kahn a donc composé l'écrin commandé dans cette perspective bioclimatique :

Le bâtiment reste très bas ; il est composé d'un assemblage de longues voûtes en berceau construites en béton armé, de 6 x 30 mètres de portée entre les 4 appuis aux 4 angles. Les voûtes extérieures de la façade ouest d'accès sont traitées comme des portiques qui mettent en valeur la performance du système consructif :

Le plan général du musée : encadrée par des bassins, son entrée principale est précédée d'une cour couverte d'arbres :

La séquence du musée et le passage très progressif de l'exterieur vers l'intérieur en passant devant les bassins puis sous les arbres puis sous le portique exprime le génie des espaces bioclimatiques de Kahn :

A l'intérieur, les espaces d'accueil des visiteurs :

Les détails du dispositif de contrôle de la lumière solaire pour interdire tout rayon de soleil sont les expressions techniques du génie bioclimatique de Kahn :

Le soleil pénètre dans une fente étroite ménagée au sommet de chaque voûte et se reflète uniformément sur un écran incurvé disposé tout au long de cette fente, et illumine la surface voûtée en béton poli, assurant une belle répartition de la lumière naturelle qui n'avait jamais été obtenue auparavant :

Le plan du musée et la progression du chantier de construction démarré en 1969. Kahn a dit un jour : « le bâtiment vous donne des réponses à mesure qu'il grandit et devient lui-même. »

Une fois encore après la Galerie d'Art de la Yale University en 1953, la conception des intérieurs du Kimbell Art Museum renouvelle les idées que l'on pouvait se faire d'un beau musée. Kahn compose un monastère aux voûtes romanes baignées de lumière, mais dont les oeuvres d'arts sont devenues les objets du culte :

Kahn compose une architecture simultanément moderne et ancrée dans la culture d'Europe occidentale dont sont issues les oeuvres présentées : les nefs de son musée en témoignent en référence à l'architecture chrétienne. Dans cette perspective, ce sont les oeuvres qui sont ici célébrées par des espaces qui demeurent bas. Les oeuvres sont ici baignées de lumière dont l'origine est cachée, contrairement à ce qu'une cathédrale révèle : la lumière y est là-haut celle de Dieu (qui est aux cieux).

Avec le rythme des voûtes des salles d'exposition, Kahn met en scène de manière spectaculaire les oeuvres d'art en maîtrisant l'apport de lumière naturelle, en faisant vibrer ses plafonds.
Kahn honore le travail des artistes, il honore aussi le collectionneur, les visiteurs et les admirateurs : quelle belle réusssite !

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