"LA CULTURE EN PARTAGE" avec
Frédéric MORIN architecte-conférencier

Voici une partie du diaporama proposé par Frédéric Morin, architecte-conférencier, sur l'histoire de la fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec l'architecture contemporaine depuis 1980 jusqu'à nos jours :

En théâtralisant les tensions entre la forme et la fonction, entre l'intérieur et l'extérieur, la fluidité spatiale est un outil majeur du sens (= sémantique) de l'architecture.


En plus, les architectes peuvent apporter des réponses novatrices aux enjeux climatiques qui vont marquer les décennies à venir. Avec des températures de plus en plus élevées et un climat globalement plus continental, comment assurer le confort tout en diminuant le coût énergétique d'exploitation des espaces de la vie des humains toujours plus nombreux ?
Par exemple en privilégiant un espace intermédiaire entre les espaces intérieurs et extérieurs : « entre dedans et dehors ». L'art de construire ne serait pas seulement des volumes fermés (le « plein ») mais résiderait aussi dans la manière de ne pas fermer l’espace : les loggia, terrasses, patios, auvents et galeries couvertes...


Plutôt que des barrières étanches, les parois deviennent des filtres qu'il faut accumuler, et entre lesquels nous habitons, et vivons mieux. Aujourd'hui les techniques et les matériaux ont évolué d'une manière telle que ces beautés prouvent leur efficacité lorsqu'elles sont pratiquées.
À différents niveaux leurs beautés sont réelles ! Et les Ateliers Jean Nouvel livrent encore ici une réalisation exemplaire, honorée du « Worldwide Tall Buiding Award » délivré en 2012 par le «  Council on Tall Buildings and Urban Habitat » (Chicago) et dont le prix au mètre-carré reste raisonnable autour de 2.100 dollars !

La fluidité des espaces entre dedans et dehors, ou « à la fois dedans et dehors », avec l'immeuble de grande hauteur Burj Doha au Qatar par Jean Nouvel en 2012 :

En 2012, Jean Nouvel livre cette haute tour de bureaux commandée en 2002 par la famille régnante du Qatar. La conception de cette tour est naturellement raprochée de la Tour Agbar de Barcelone, livrée par Nouvel en 2005, qui présente une forme très semblable. Malgré son évidente modernité, Burj Doha évoque irrémédiablement la tradition orientale des minarets ornés d'un décor géométrique d'une part et des « moucharabieh » d'autre part, que Nouvel avait déjà mis en oeuvre en 1987 à l'Institut du Monde Arabe de Paris.
Cette référence moderne à la tradition culturelle orientale avait érigé cet Institut au rang d'icône ; Burj-Doha (ou Burj-Qatar) a également été récompensé dans le domaine du design urbain durable dès 2012. La différence avec les autres buildings de grande hauteur qui l'environnent est flagrante. Lorsqu'une surface apparaît être claire sur une photo, c'est qu'elle émet ou reflète une plus grande quantité de lumière (et donc de chaleur) qu'une surface plus sombre en comparaison :

À 10m d'altitude et 25° nord de latitude, le climat de Doha résiste assez bien à la comparaison avec ce que nous connaissons en Europe. Cette ville a la réputation d'être l'une des plus chaudes de la planète. Avec 46°C, l'amplitude des records de Doha est faible en comparaison de celle de Nîmes (58°C = de -14° à +44°C) mais ici de +4° à +50°C.
La moyenne annuelle des températures hautes dépasse 33°C ; la moyenne mensuelle des températures hautes dépasse 38°C durant 5 mois de mai à septembre. La moyenne mensuelle des températures basses ne descend pas sous 13°C, elle s'établit au-dessus de 25°C durant les 5 mois chauds de mai à septembre.
La pluviométrie annuelle atteint 7,5cm, soit le tiers de ce qui pleut dans un désert (en-dessous de 20cm par an) :

Les vitrages de la construction sont protégés du soleil qatari par une résille métallique qui enserre la peau extérieure : jusqu'à quatre couches sont accumulées pour obtenir le résultat souhaité, variable suivant l'orientation. Lorsque l'apport solaire est moins important derrière un vitrage parce qu'il est protégé du soleil, le besoin en climatisation en est corrélativement diminué et son fonctionnement moins onéreux. Le projet est ainsi économe des ressources :

Cette résille freine également les impacts de sable lors des tempêtes ; son organisation facilite encore la circulation du personnel nécessaire à l'entretien des façades, personnel qui travaille ainsi en sécurité et à l'ombre... Là aussi Burj Doha offre une conception améliorée :

De nuit aussi la tour de Nouvel est très identifiable par le travail de la couleur de son éclairage, difficile à réaliser sur les façades de verre voisines :

Disposée en arrière de la façade mais à en périphérie du volume intérieur, la structure porteuse de la tour est constituée de piliers de béton armé inclinés qui s'élèvent en hélice, répartis en deux nappes inversées qui se croisent et constituent une autre résille, structurelle celle-ci, extrèmement légère en comparaison de sa résistance. Là encore le projet est économe : le prix de construction (125M$ pour 60.000m² habitables) s'établit autour de 2.100 dollars du m².

Plans généraux :

La base de la tour est enfoncée dans le sol, pour évoquer une façon d'oasis plantée dont les photos disponibles ne rendent pas encore compte. Une corolle circulaire abrite du soleil la circulation piétonne :

Proposition d'aménagement d'un des 40 étages courants :

Le soleil, ou le reflet, projette sur le sol des étages l'image des « moucharabieh ». L'ombre et la lumière, comme les reflets, opèrent un transfert depuis une paroi à une autre :

La réalisation des « moucharabieh » exploite une seule et même forme en diabolo ou papillon ; l'association tournante de 4 de ces formes compose un octogone entouré de triangles et de moitiés de carrés, sur une trame carrée de 4,10m correspondant à la hauteur d'étage standard.
Ce même répertoire formel est reproduit à des échelles différentes pour composer différents octogones et moduler la transparence de l'écran solaire en fonction de la perception des besoins. Au-dessus de la structure porteuse générale (les grands octogones formant la trame de 4,10m), une seule couche est nécessaire au Nord, contre deux couches au Sud, et trois couches à l'Est et à l'Ouest car ces façades-là sont toujours plus chaudes car le soleil y est plus bas :

L'édifice est couronné par un dôme qui exprime de manière spectaculaire la beauté du « moucharabieh » composé par Jean Nouvel et ses équipes. L'ombre et la lumière y jouent une partition merveilleuse :

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